Pour une télévision du 21ème siècle au service de l'homme

La télévision existe depuis une centaine d’années, les intentions originelles étaient belles. Nous permettre de dépasser l’horizon et d’observer ce qui s’y passe, un voyage immobile, une ouverture sur la teneur universelle de nos existences tout en prenant conscience de la singularité des hommes.

Nous sommes en 2023, la révolution numérique est passée par là, les réseaux sont déployés à échelle planétaire, le progrès logiciel est à son paroxysme. Pourtant, la télévision continue de siéger dans nos consciences et ce dans un modèle archaïque au moins vieux d’une cinquantaine d’années. Sa nature centralisée, propriétaire et asymétrique nous relègue au siècle précédent. Les crises récentes nous ont montrés que les canaux télévisés ont largement faillit à leur mission initiale de porter l’humanité plus loin et servent aujourd’hui des intérêts mondains, individuels et découplés de notre histoire collective.

Si ce constat peut-être fait à l’échelle du bon sens il est d’autant plus frappant quand on l’engage du point de vu du développement logiciel en particulier celui qui porte sur la diffusion vidéo. Je développe du logiciel autour de ces problématiques, je travaille notamment depuis peu sur la prochaine itération du lecteur VLC et je dois vous présenter mes excuses pour une formulation aussi tardive de ce qui pourrait supplanter la télévision dans l’intérêt de tous, en particulier des plus modestes.

On pourrait penser que c’est d’abord un sujet politique. En réalité, c’est peut-être d’avantage une faillite de l’inventivité d’une génération qui a pourtant parfois beaucoup reçu sur le plan culturel, créatif et éducatif. Nous avons les outils, nous avons les moyens et nous n’en faisons rien. Chaque minute de diffusion sur un poste de télévision est une offense à tous les développeurs logiciel, en particulier ceux qui se spécialisent dans les métiers de la vidéo.

Il fut un temps où je pensais que l’innovation advenait naturellement, sorte d’extension de l’intelligence humaine. Finalement, au gré des saisons, l’homme inventait et progressait presque malgré lui. Pire, j’ai pu penser que le marché et sa main invisible soufflait aux consciences la voie du progrès. C’est dire si je suis tombé bien bas. En réalité, chaque invention est une conquête, un miracle à taille humaine, une étape péniblement acquise dans la trajectoire anthropologique. Si les inventions sont de cette nature je vous laisse imaginer la quantité d’entre elles que nous n’avons pas su porter, par mondanité, paresse ou simple inertie du quotidien, peut-être simplement parce que nous avions perdu la foi ?

Peut-être sommes-nous captifs de cet esprit d’entreprise qui précède toute initiative d’un business plan. Après tout, la télévision d’hier correspond bien à l’économie de marché avec un pôle central qui dispense la bonne parole et ses bonnes envies à tous les consommateurs. Finalement, si la télévision d’aujourd’hui n’existe pas c’est parce que le marché n’est pas prêt. Fou que nous sommes d’avoir décentré notre référentiel vers les lois numéraires.

En réalité, notre responsabilité de porter un nouveau medium dans l’espace télévisé n’est pas un sujet économique ou politique, c’est un sujet anthropologique, sans doute historique. Il s’agit de pousser la technique plus loin au service de tous. Les événements récents montrent que nous avons échoué sur ce plan. Nous avons déserté l’homme et dénigré l’histoire. Il est temps que ça cesse, il faut nous remettre en chemin. Nous devons mettre un terme à nos hypocrisies, Youtube et Netflix ne sont pas des “télévisions modernes” et nous le savons. Il est vain de porter des codecs plus performants si ils sont captés par des constructeurs sans vergognes et du SaaS toujours plus aliénant.

Nous devons réhabiliter l’outil, celui qui sert l’homme, mes voisins, ma compagne et mes propres enfants. Nous devons pousser l’innovation plus loin et nous appuyer sur les forces de l’informatique moderne, celles qui nous ont été confiées par nos prédécesseurs. Si nous avons été spectateurs parfois enthousiastes parfois tristes, nous devons devenir auteurs et diffuser les images qui nous emmènent vers la suite de notre trajectoire collective. Réinventer la télévision au service de l’homme.


Benjamin Arnaud